lundi 13 avril 2015

A Propos des Immaculées Conceptions

Atlas espagnol XVII siècle


A PROPOS DES IMMACULÉES CONCEPTIONS «DE VELÁZQUEZ» 
EXPLIQUER L’INEXTRICABLE

LE NŒUD GORDIEN 


A partir de quelle information a été forgée la certitude que l’Immaculée Conception et le Saint Jean Evangéliste dans l’Ile de Patmos ont été peints par Velázquez?.

Voici la traduction textuelle de la première mention extraite du «Diccionario histórico de los más ilustres profesores de las bellas artes en España» rédigé par Juan Agustín Cean Bermúdez et publié par la Real Academia de San Fernando en 6 volumes en 1800.

Volume V page 193      SEVILLE        CARMEN CALZADO
Une conception et un S. Jean Evangéliste écrivant l’apocalypse placés dans la salle du chapître. Ils appartiennent à la première époque de Velázquez.

Rien de plus, à partir d’une transmission orale, transcrite par Cean Bermúdez, sans aucune étude, sans références, sans raisonnement, sans document, les historiens se sont basé sur une insertion non vérifiable. Quant à sa justification, elle a été reprise systématiquement pour deux œuvres absolument atypiques dans le répertoire de Velázquez. Cette erreur a entraîné une cascade d’interprétations d’autres œuvres sur une première époque faussée du jeune Vélazquez sans oublier le vide d’informations de près de deux siècles entre le moment de la création de ces deux tableaux entre le début du XVIIème siècle et 1800.

Le raisonnement logique pour ces deux figures, en faisant abstraction de toute information postérieure serait de les situer dans leur contexte représentatif d’un idéal.

L’Immaculée flottant dans l’espace, immatérielle, sans gravité, idéalisée avec ses mains schématiques, ses étoiles, son volume, qui sort du tableau est digne d’un sculpteur et n’appartient pas à l’univers psychique de Velázquez pas même dans sa jeunesse. La datation entre 1617 et 1619 est fantaisiste, injustifiée, non prouvée et tente de combler un vide dans le répertoire de cette époque. Par contre elle correspond au millimètre près à toutes les caractéristiques d’Alonso Cano aux environs de 1630. De plus, pour consolider cet argument il faut s’appuyer sur un autre modèle utile à Cano, la fameuse Immaculée de Martinez Montañes de la cathédrale de Séville dénommée la « Cieguecita » ( la Petite Aveugle ) datée et inaugurée le 8 décembre 1631. Certains historiens citent la filiation, d’autres la rejette à cause de l’incompatibilité de leur version chronologique lorsqu’ils datent l’Immaculée de la National Gallery entre 1617 et 1619. Car effectivement il est raisonnable de rapprocher ces deux œuvres dans leur esprit et leur temps. Elles sont contemporaines entre 1631 et 1632.

"La Cieguecita" Juan Martínez Montañés  1629 - 1631
Immaculée-Conception . Cathedrale de Séville
"La Cieguecita"
Juan Martínez Montañés  1629 - 1631
( Polychromie de Francisco Pacheco )

Le Saint Jean de l’Ile de Patmos qui accompagne l’Immaculée Conception depuis Séville n’est lui aussi attribué à Velázquez par Bermúdez que depuis 1800. Il devrait donner la clef et la date de création de ces deux tableaux grâce à un dessin calqué, exact, du même sujet mais à l’inverse. Ce dessin du Saint Jean, propriété du British Museum, est signé par Francisco Pacheco et daté de sa main 6 septembre 1632. La similitude des deux originaux, la toile et le dessin, démontre une source commune ( gravure ou modèle ) et contemporaine (1632). Il est absurde d’imaginer Pacheco copiant en 1632 sur ce dessin une œuvre réalisée par son gendre ( alors à Madrid depuis 1623 ) quinze ans plus tôt.

La relation et la proximité de la source (le modèle) nous rapprochent d’Alonso Cano qui au moins depuis 1629 collabore dans des entreprises collectives avec Francisco Pacheco ( contrat du 19 janvier 1629 – compagnie formée entre Pablo Legot, Francisco Pacheco, Alonso Cano et Francisco Fernandez de Llera pour polychromer le retable majeur de l’église de San Miguel de Jerez de La Frontera ).

De plus, une Immaculée de Pacheco ca 1630 inédite, est apparue à Alcala Subastas à Madrid le 14 juin 2004 alors cataloguée comme copie de celle de « Velázquez » et devrait être considérée comme le prototype de la fameuse Immaculée de la National Gallery. C’est cette Immaculée de Pacheco qui, avec celle de Martinez Montañes aurait servi de modèle à Alonso Cano vers 1632 avec le Saint Jean si nous prenons comme point de repère le dessin de Pacheco daté 1632.

Sur le Saint Jean, autre détail important: en haut à gauche, l’allégorie de la vision de la Vierge de l’Apocalypse est un modèle typique d’une gravure de Jan Sadeler utilisé de très nombreuses fois par Alonso Cano dans ses multiples Saint Jean. Autre détail à retenir, la différence d’échelle entre les deux sujets qui se répètera de façon flagrante dans le cycle de la Vierge de la cathédrale de Grenade, ou à cause de son emplacement trop haut ( à 25 mètres du sol ) Alonso Cano élargit petit à petit les formats des figures pour en permettre une meilleure perception.

La logique cartésienne nous mène à réviser de façon indispensable ces deux attributions à Velázquez et à les remettre à Alonso Cano malgré la réitération de cette erreur par la totalité des historiens à l’exception de Gregorio Cruzada Villaamil en 1885 ( Anales de la vida de las obras de Diego de Silva Velázquez escritos con ayuda de documentos – Madrid ).


Pour examiner la verité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu'il se peut.

René Descartes